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    Grèce : Syriza, la social-démocratie et l’Union Européenne

    Grèce international

    Lien publiée le 29 janvier 2015

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    Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

    http://www.avanti4.be/analyses/article/grece-syriza-la-social-democratie-et-union

    A l’occasion de la victoire électorale de Syriza en Grèce et de la formation d’un nouveau gouvernement dirigé par ce parti, nous reproduisons ci-dessous un article datant de 2012 et analysant de manière critique les positions de cette formation vis-à-vis de l’Union européenne, ainsi que la nature de cette dernière. (Avanti !)

    Le spectaculaire résultat électoral obtenu par la coalition Syriza lors des dernières élections législatives en Grèce (celles du printemps 2012 – NdT) et la possibilité qu’elle arrive en tête lors du prochain scrutin représentent un événement politique de premier ordre. Pour la première fois depuis la dissolution du Parti Communiste Italien en 1991, une force politique située à la gauche de la social-démocratie officielle – aujourd’hui partout convertie au néolibéralisme – devient la première force électorale de la gauche dans un pays européen.

    Cet événement a une importance particulière car il reflète un déplacement significatif de l’électorat grec vers la gauche dans un pays où sont appliquées les mesures d’austérité néolibérales les plus agressives. Si ces mesures provoquent un recul brutal des conditions de vie et de travail pour l’immense majorité de la population grecque, elles ont également poussé cette population à s’engager dans des formes de luttes et de résistances d’une intensité jamais vue en Europe au cours de ces trente dernières années.

    Keynésianisme illusoire

    Syriza a occupé l’espace politique que la social-démocratie a abandonné en embrassant les postulats du néolibéralisme – ce qui vaut à celle-ci le qualificatif de social-libéralisme – et en participant à des gouvernements qui ont appliqué les politiques anti-populaires dictées par la Troïka (Commission européenne, Banque centrale européenne et Fonds Monétaire International). Il n’est donc pas surprenant que le programme de Syriza soit un programme réformiste de gauche, de style social-démocrate classique.

    Mais il se fait que dans l’étape actuelle du développement de la lutte des classes, avec une offensive et une agressivité sans précédent d’une oligarchie financière qui est disposée à piétiner les normes démocratiques élémentaires, des revendications propres à la social-démocratie des années ’40 et ’50 (comme la nationalisation des banques, une forte taxation des grandes fortunes ou un secteur public renforcé) sont aujourd’hui incompatibles avec les mesures imposées par cette oligarchie et constituent ainsi un programme de rupture avec le néolibéralisme.

    Ainsi, le programme de Syriza, qui, fondamentalement, est celui des organisations du Parti de la Gauche Européenne (PGE) (1), n’est pas un programme anticapitaliste. Il n’établit pas des objectifs de dépassement du système ni d’objectifs socialistes. En accord avec les économistes des différentes écoles keynésiennes, Syriza et les organisations liées au PGE pensent qu’il est possible de résoudre la crise capitaliste par des politiques anticycliques qui favorisent la croissance économique : augmentation des dépenses publiques pour stimuler l’augmentation de la demande interne (consommation et investissements), politiques fiscales de redistribution qui ciblent les grandes fortunes et les profits, utilisation du crédit pour stimuler l’activité économique productive et l’emploi, etc. En définitive, il s’agit de reconstruire l’Etat-Providence, le pacte social entre le Capital et le Travail qui a présidé les trente années de croissance consécutives à la Seconde guerre mondiale.

    Mais la majeure partie des économistes marxistes ne croit pas qu’il existe aujourd’hui des marges de manœuvres pour de telles politiques. (2) Et cela pour la simple raison que les politiques keynésiennes se sont épuisées entre la fin des années ’60 et le début des années ’70 car elles n’étaient plus capables de garantir un taux de profit suffisamment élevé pour l’accumulation du capital, ce que, depuis lors, tentent de réaliser les politiques néolibérales.

    La dette et l’Union Européenne

    Les points du programme de Syriza concernant la dette, l’Euro et l’Union européenne sont fondamentaux et déterminent en réalité le reste de ce programme au vu de la dépendance absolue de la Grèce envers les décisions prises par la Commission européenne. A ce sujet, la position de principe de Syriza est claire : elle défend le maintien de la Grèce au sein de la Zone Euro et de l’UE, tout en rejetant les plans d’austérité sauvage exigés par la Commission afin d’obtenir les tranches du « plan de sauvetage » au nom du « Mémorandum » concocté par la Troïka et le gouvernement précédent.

    Elle accepte également le principe du remboursement de la dette, tout en proposant un audit indépendant afin de délimiter sa partie « odieuse » (et donc illégitime) ainsi que la suspension temporaire (moratoire) du paiement des intérêts dans l’attente que soit rendu public le résultat de cet audit. Autrement dit, il s’agit pour elle de renégocier le montant total de la dette par la suppression de la partie qui sera considérée comme illégitime au travers de cet audit. (3)

    Le positionnement de Syriza par rapport à la dette en général et à l’Union européenne en particulier n’est pas très différent de celui qui est publiquement soutenu par certains partis sociaux-démocrates, particulièrement quand ils sont dans l’opposition. Syriza croit, comme Hollande et aujourd’hui également Rubalcaba (leader du Parti Socialiste Ouvrier Espagnol, NdT), que la solution au problème de la dette passe par une réforme de la Banque Centrale Européenne (ce qui implique de modifier les Traités européens) pour qu’elle stimule la croissance et l’emploi et ne se limite plus au contrôle de l’inflation. Agissant comme la FED des Etats-Unis ou comme une quelconque autre banque centrale, la BCE serait un prêteur de dernier recours (en prêtant aux Etats à des taux d’intérêt peu élevés et, y compris si nécessaire, sans intérêt puisqu’elle peut imprimer l’argent nécessaire), ce qui permettrait de tenir à distance les spéculateurs du marché des dettes et faciliterait la réduction de ces dernières par la diminution de leur charge financière.

    La BCE aurait en outre la capacité d’émettre des titres de la dette (les fameux « euro-bons » ou « euro-obligations »), ce qui permettrait de répartir de manière solidaire les dettes publiques européennes entre les différents membres de la Zone Euro en fonction du poids et des capacités spécifiques de chacun. Mais l’Allemagne se refuse à assumer le coût de dettes pour lesquelles elle déclare n’avoir aucune responsabilité. Or, on sait pourtant que les banques allemandes ont joué un rôle clé dans le financement de crédits à bon marché qui ont favorisé la croissance des dettes dans les pays de la périphérie européenne, et cela dans le but de favoriser les exportations allemandes (qui représentent la majeure partie de son PIB). L’Euro, tel qu’il a été conçu et imposé entre des économies aussi différentes, a été avant tout utilisé par l’Allemagne dans ce même but.

    Face à la difficulté - du fait de l’opposition farouche de l’Allemagne (les Verts et le SPD soutenant Merkel sur ce point) - de réformer les Traités européens pour modifier le rôle de la BCE, les partis socialistes européens et les organisations du PGE (parmi lesquelles Syriza) optent pour mener des politiques de croissance par la stimulation de la demande interne. Dans ce but, Hollande a proposé d’utiliser la Banque Européenne d’Investissement et les Fonds Structurels de l’UE. Comme solution de compromis et comme bouée de secours pour des gouvernements tels que ceux d’Italie et d’Espagne, il est également demandé d’intensifier l’achat (bloqué ces dernières semaines) par la BCE de dettes publiques afin de contrer les spéculateurs et de maintenir dans certaines limites les taux d’intérêt.

    La social-démocratie et les organisations du PGE croient qu’il est possible de mener ces réformes au sein de l’Union Européenne au travers d’un changement des rapports de forces politiques en Europe. Un changement qui aurait commencé avec la victoire de Hollande et l’éventuelle victoire de Syriza en juin. Mais l’attitude des Verts et du SPD allemand ont de quoi refroidir l’expectative autour de la défaite possible d’Angela Merkel aux prochaines élections générales de 2013.

    Évidemment, il existe des différences entre les partis du PGE et les partis socialistes. En général, les premiers revendiquent des politiques keynésiennes classiques (celles défendues par la social-démocratie avant sa conversion au social-libéralisme dans les années ’80-’90) qui donnent la priorité, en temps de crise, aux stimulants et à la croissance par rapport aux contrôle des déficits publics. Ils proposent de restructurer les dettes publiques et de flexibiliser leur remboursement afin de maintenir en équilibre les déficits, tandis que les Partis socialistes acceptent de réduire la dette et les dépenses publiques et pensent qu’il est possible de mener à la fois des politiques d’austérité et des politiques de croissance.

    Mais ces deux courants acceptent le principe du remboursement des dettes publiques et pensent qu’il est possible de réformer de l’intérieur l’Union européenne et ses institutions afin de construire une « Europe sociale ». Autrement dit, de rééquilibrer cette UE en lui donnant une dimension manquante aujourd’hui, en construisant en son sein ce qu’on appelle traditionnellement « l’Europe des peuples » face à « l’Europe des marchés ». Dans le cas d’organisations telles que Syriza ou Izquierda Unida (IU), cette croyance plonge ses racines dans des convictions historiques sur les potentialités de la construction européenne qu’il est utile de rappeler ici.

    Européisme de gauche

    Syriza, comme IU, estime que l’UE est un cadre institutionnel donné à partir duquel il est possible de construire une unité politique européenne. Cette idée était déjà présente dès les débuts de la CEE, bien que son développement initial a été amplement déterminé par la volonté des capitalistes européens d’insérer l’économie européenne dans le marché mondial au même niveau que les autres composantes de la « triade » des grandes puissances de l’époque (États-Unis et Japon). Le patronat des principales puissances industrielles européennes et la tutelle économique et géopolitique des États-Unis pendant la Guerre froide ont joué un rôle prépondérant dans l’intégration économique européenne.

    Les progrès dans l’unification d’un marché unique européen n’ont jamais été accompagnés d’avancées équivalentes dans les domaines sociaux et politiques. Ces derniers sont toujours restés à l’état de proclamations à long terme, avec des objectifs et des moyens réduits. La social-démocratie européenne - et depuis les années ’70 le courant dit « euro-communiste » (4) (avec le Parti Communiste Grec de l’Intérieur dont est directement issu Synaspismos, le principal parti de la coalition Syriza) - a toujours brandi l’unité politique européenne comme objectif de ce processus d’intégration au travers de ses instruments institutionnels successifs : la Communauté européenne du Charbon et de l’Acier (CECA), ensuite la Communauté Economique Européenne (CEE), la Communauté européenne (CE) et finalement l’Union européenne (UE). Un positionnement qui est à peine différent de celui des libéraux, des démocrates-chrétiens et des conservateurs. De fait, la construction européenne actuelle est le résultat d’un accord tacite entre les principaux courants politiques de l’Europe de l’après-guerre.

    Un aspect significatif du discours « européiste » de la social-démocratie (et de l’euro-communisme) a toujours été l’idée qu’une Europe unie était nécessaire afin de contrebalancer l’hégémonie des États-Unis et pour garantir une authentique souveraineté européenne. Cependant, comme le démontre clairement toute l’histoire de l’intégration européenne, l’unité contradictoire des principaux pôles du capitalisme mondial a été pilotée par les États-Unis, qui ont dominé les principaux organismes de coordination formels (les institutions de Bretton Woods : Organisation mondiale du commerce, FMI, etc.) et informels (Commission Trilatérale, etc.). Sans parler de la subordination militaire, dans laquelle « l’autonomie » européenne (avec le cas exemplaire de l’Union de l’Europe Occidentale - UEO) (5) n’a jamais dépassé le stade hybride entre la tentative vouée à l’échec et l’illusion pure et simple.

    Le poids du capitalisme allemand

    Ce n’est qu’après l’absorption de la République démocratique allemande (RDA) par la République fédérale allemande (RFA) et la subordination économique et politique d’une bonne partie de l’Europe centrale et orientale au capitalisme allemand que purent s’imaginer des formes d’intervention autonome de l’Europe dans un capitalisme mondial toujours dominé par le poids écrasant des États-Unis grâce à sa puissance militaire et à l’hégémonie du dollar. L’Allemagne a utilisé l’introduction de l’euro pour subordonner les économies de la périphérie européenne à ses exportations, elles-mêmes soutenues par des mesures draconiennes de réduction des salaires des travailleurs allemands afin d’augmenter sa compétitivité.

    Autrement dit, le capitalisme allemand s’est donné les moyens d’entrer dans la concurrence impérialiste pour la conquête des marchés et des ressources mondiales à un moment où la globalisation néolibérale s’articulait au travers de processus d’intégration régionaux à l’échelle de la planète. Tout cela s’est passé au cours des années ’90 et au début des années 2000, en pleine hégémonie idéologique et politique du néolibéralisme. Années où l’UE à participé au pillage des pays en voie de développement au travers de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT), puis de l’Organisation mondiale du Commerce (OMC), a soutenue l’Allemagne dans le démantèlement de la Yougoslavie, l’OTAN dans le bombardement de la Serbie et les États-Unis dans le blocus criminel de l’Irak.

    Malgré tout cela, la social-démocratie européenne et les héritiers de l’euro-communisme ont apporté leur soutien au Traité de Maastricht, en insistant sur l’idée d’une Europe « autonome » face aux États-Unis : une Europe « de paix », du « bien-être » et du pacte social entre le Capital et le Travail et en chantant les louanges du « capitalisme rhénan » face au « capitalisme anglo-saxon »...

    La crise actuelle et sa durée sont aujourd’hui mises à profit par l’Allemagne afin de consolider sa position clé acquise sur la scène mondiale. Le projet de l’oligarchie financière allemande (selon le concept de Lénine, c’est à dire résultant de la fusion entre le capital bancaire et le capital industriel) passe par la subordination des pays de la périphérie européenne capables d’absorber ses produits tout en fournissant une main d’œuvre bon marché. Cet objectif est partagé par les classes dominantes des autres pays européens car elles sont intéressées, à court terme, à copier ce « modèle » afin de réduire drastiquement les salaires et privatiser massivement les entreprises et les services publics dans le but d’augmenter les taux de profit à un niveau permettant d’initier un nouveau cycle d’accumulation.

    Un appareil institutionnel taillé sur mesure pour le grand capital

    Dans ce contexte, l’Union européenne constitue une bonne partie de l’appareil institutionnel qui incarne cette conjonction d’intérêts entre les oligarchies financières européennes. Le rôle de la Commission européenne et de la Banque Centrale Européenne ainsi que leurs fonctions sont clairement définis dans les différents Traités. Le Pacte pour l’Euro Plus de 2011 et le Traité de Stabilité, de Coordination et de Gouvernance (TSCG) de l’union monétaire européenne de 2012 sont des camisoles de force en faveur des mesures néolibérales.

    Toute cette architecture, que la social-démocratie et les organisations du PGE pensent possible de réformer de l’intérieur, constitue l’engrenage juridique masquant l’hégémonie exercée par l’oligarchie financière. En réalité, il n’est pas possible d’aller très loin dans les réformes si on laisse intact le pouvoir économique de cette oligarchie. Et il est naïf de prétendre que ces réformes permettront de chasser l’oligarchie financière des positions qu’elle occupe aujourd’hui car l’appareil institutionnel de l’Union européenne a été taillé sur mesure pour elle et est exclusivement à son service.

    C’est pour ces raisons que le succès de la lutte contre l’oligarchie financière impliquera nécessairement - à un moment déterminé et dans différents pays déterminés - une sortie de l’Union Européenne afin d’ouvrir la voie à la construction de « l’Europe des peuples », non d’en haut, mais à partir d’en bas. Il y aura certainement des « déconnexions » successives et il est préférable, tant pour sortir de l’euro que de l’UE, de mettre dès maintenant cette sortie en avant comme objectif politique avant que les oligarchies ne nous transforment en parias enchaînés aux intérêts impérialistes du capital allemand.

    Notes d’Avanti

    (1) http://www.european-left.org/

    (2) Selon l’économiste marxiste Michel Husson : « D’un côté, le modèle néolibéral ne peut être relancé, parce que des ressorts essentiels à sa cohérence sont brisés. D’un autre côté, et c’est un point décisif, le retour au capitalisme fordiste est impossible en l’état actuel. Les rapports de forces nécessaires n’existent pas et la mondialisation représente un double obstacle : elle rend impossible la mise en place de « compromis » au niveau d’un seul Etat mais aussi la nécessaire coordination internationale. Après tout, le capitalisme fordiste ne s’est installé qu’après le choc majeur d’une guerre mondiale et sous la pression de rapports de force favorables aux travailleurs. Mais il y a une raison peut-être plus fondamentale à l’impossibilité d’une re-régulation du capitalisme, c’est la chute des gains de productivité. Le capitalisme néolibéral a ceci de très particulier qu’il a réussi à rétablir le taux de profit en dépit d’un relatif épuisement des gains de productivité. Il n’a plus grand-chose à redistribuer et n’a donc d’autre recours qu’une élévation continue du taux d’exploitation. ». (« Le néo-libéralisme, stade suprême ? », Michel Husson, Actuel Marx n°51, 2012, http://hussonet.free.fr/actumx11.pdf )

    3. Sur ce point, la position de Syriza s’est encore nettement édulcorée à la veille des élections du 25 janvier 2015, voir à ce sujet :http://cadtm.org/Podemos-y-Syriza-suavizan-su - NdT)

    4. Voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Eurocommunisme

    5. Union de l’Europe Occidentale, voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Union_de_l%27Europe_occidentale

    6. Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce, voir :http://fr.wikipedia.org/wiki/Accord_g%C3%A9n%C3%A9ral_sur_les_tarifs_douaniers_et_le_commerce

    Article publié en 2012 sur le site espagnol Rebelion
    Source : http://www.rebelion.org/noticia.php?id=150451&titular=syriza-socialdemocracia-y-uni%F3n-europea- 
    Traduction française, notes et intertitres pour Avanti4.be : Ataulfo Riera