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Capitulation de Tsipras en Grèce

Grèce international

Lien publiée le 25 février 2015

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

http://www.ccr4.org/Capitulation-de-Tsipras-en-Grece

Gaëtan Gorritxo

Au lendemain de sa victoire électorale, Syriza annonçait une série de mesures censées rompre avec l’austérité. La mise en place du « Programme de Thessalonique » devait permettre, entre autres, la hausse du salaire minimum à 751€, un coup d’arrêt aux privatisations ou encore la fin du programme austéritaire souscrit par Antonis Samaras, l’ancien premier ministre de droite. Pour les soutiens d’Alexis Tsipras, il s’agissait d’autant de mesures radicales, voire même anticapitalistes. Malheureusement, les promesses ne se mangent pas et les Grecs pourront toujours attendre avant d’en voir la concrétisation. Le dernier accord passé entre le gouvernement Syriza-Anel, l’UE, la BCE et le FMI, présenté comme le plus raisonnable des compromis, ressemble en fait davantage à une trahison en rase campagne qu’à de la Realpolitik.


Une capitulation présentée comme une victoire

La couleuvre est dure à avaler. Pourtant, la réunion des 19 ministres des finances de la zone euro du lundi 16 février l’annonçait déjà implicitement. Vendredi 20 février, l’Eurogroupe a publié dans la soirée le court texte d’accord entre le gouvernement grec et ses partenaires européens. Ce document de six pages prévoit la prolongation du plan « d’aides » engagé par le gouvernement précédent sur les quatre prochains mois et se réfère même explicitement aux accords de novembre 2012. L’enjeu, pour Tsipras et Yanis Varoufakis, son fringant ministre de l’Economie, est de « gagner du temps » et de continuer à pouvoir se financer. La réalité est bien différente comme en atteste le document validé par le gouvernement grec et transmis à Bruxelles lundi 23 octobre peu avant minuit.

Le nouveau programme du gouvernement grec dans ses grandes lignes

  1. Athènes s’engage à renforcer la lutte contre la corruption et l’évasion fiscale, qui aurait explosé ces derniers mois. Le texte prévoit ainsi le règlement échelonné des impayés pour les riches oublieux du fisc…
  2. La politique de libéralisation et de dérégulation va se poursuivre. Désormais, à Athènes, on parle de « lutte contre le coût excessif de la bureaucratie et de la classe politique ».
  3. Réformes antisociales ? Absolument pas. Tsipras dit refuser de continuer à tailler dans les budgets sociaux. En revanche, il annonce une ambitieuse « réforme des services publics » dont les fonctionnaires feront les frais.
  4. Pour finir, le nouveau plan du gouvernement grec n’exclut pas de nouvelles privatisations. Mais attention ! Toute privatisation fera l’objet d’une « étude approfondie » de la part du gouvernement pour éviter les mauvaises surprises.

A quelques exceptions près, et avec quelques éléments de langage de différence, le texte présenté par le gouvernement de « gauche radicale » ressemble à s’y méprendre aux programmes de ses prédécesseurs.

En contrepartie de l’extension des crédits, le gouvernement grec promet de ne prendre aucune « mesure unilatérale ». Il reconnaît ainsi la totalité de la dette. La seule disposition sociale à laquelle s’engagerait l’exécutif grec concernerait un moratoire sur les expulsions des résidences principales pour les foyers les plus pauvres incapables de faire face à leurs dettes. Avec cet accord, donc, Tsipras a signé la poursuite, dans ses grandes lignes, des politiques austéritaires antérieures.

Avec l’accord du 20 février, Syriza a juste gagné le droit de co-écrire les mesures d’austérité

Ainsi, la Grèce s’engage à payer toute la dette à ses créanciers, et dans les délais impartis. Comme si cela ne suffisait pas, Athènes devra dégager un excédent primaire de 4,5% en 2016, bien qu’une « flexibilité » soit possible pour l’objectif de 2015, auparavant fixé à 3%. Ces engagements n’ont aucunement empêché que ne soit rapatrié le HSFS, un fonds grec destiné à recapitaliser les banques helléniques mais placé sous la tutelle du Fonds Européen de Stabilité Financière (FESF). Pour Jeroen Dijsselbloem, président de l’Eurogroupe, toujours aussi méfiant vis-à-vis d’Athènes, l’objectif est assez simple : il s’agit « d’assurer que cet argent reste disponible pour la recapitalisation des banques, pas pour le refinancement des politiques du gouvernement ».

C’est donc dans ce cadre restreint que le gouvernement grec a été sommé de présenter pour le lundi 23 février son nouveau train de réformes. Malgré la fronde de sa base et d’une partie des parlementaires, Tsipras a eu le culot de présenter cet accord comme une victoire dans la mesure où le texte bruxellois fait état d’une certaine « flexibilité » dans la mise en œuvre des réformes souscrites en 2012. Au final, néanmoins, le document de six pages, très dense, envoyé par le gouvernement grec lundi peu avant minuit, reprend pour une large part les exigences de Bruxelles. La plupart des réformes évoquées par Tsipras figuraient en effet déjà sur le document établi par la Troïka en 2010, lors de la mise en œuvre de la première tranche des politiques de rigueur.

Que le gouvernement ait choisi de rebaptiser la « Troïka » en « Institutions », que les « Mémorandums » soient désormais qualifiés « d’accords » et que les « créanciers » soient devenus des « prêteurs » ne changent pas grand-chose à l’affaire, et encore moins au caractère antisocial de la politique que Tsipras s’apprête à mener. Varoufakis a ainsi déjà annoncé que la hausse du salaire minimum ne serait pas à l’ordre du jour avant juin. Pour ce qui est du dossier épineux des privatisations, le ministre a assuré que « le gouvernement agira sans dogmatisme ». Tout un programme…

Des réactions qui ne se sont pas faites attendre

Après un moment de sidération, la bronca n’a pas tardé à s’exprimer, en Grèce, suite à cette capitulation de Tsipras. Figure historique de la gauche grecque, célèbre pour avoir décroché le drapeau nazi du Parthénon pendant l’occupation hitlérienne du pays, l’eurodéputé Syriza Manolis Glezos a ainsi tenu à présenter ses excuses « au peuple grec pour avoir participé à cette illusion ».

Autre symbole de la gauche grecque, le chanteur-compositeur Mikis Theodorakis avait appelé Tsipras à dire « oxi » [« non »] au « nein » opposé par le ministre des Finances allemand, Wolfgang Schäuble, aux exigences grecques. Il n’a pas été suivi.

Au sein du gouvernement, le ministre de la Restructuration productive, de l’Environnement et de l’Énergie, Panayotis Lafazanis, n’a pas non plus été avare en critiques. Représentant de l’aile gauche de Syriza au sein du nouveau cabinet, Lafazanis a fait savoir que « la Troïka et les plans de sauvetage appartiennent au passé, et qu’il est absurde de les remettre en avant ». Sans beaucoup plus de succès.

Toujours au sein de Syriza, Stathis Kouvelakis, membre de DEA, va jusqu’à imaginer, par l’absurde, un gouvernement élargi aux partis bourgeois de centre gauche comme To Potami, le PASOK voire même une partie de Nouvelle Démocratie, puisque l’ensemble de ces partis prônent la poursuite des mémorandums. Par delà ces critiques, la Plateforme Gauche de Syriza se garde bien de rompre avec le gouvernement, ni même d’appeler à la mobilisation des travailleurs et de la jeunesse.

Plus que jamais aux côtés du peuple grec, pour l’annulation de la dette !

Il était clair, pour qui voulait le voir, qu’il n’y avaitaucune illusion à se faire quant aux caractéristiques d’un gouvernement de type Syriza. Il n’était pas possible, non plus, d’imaginer la possibilité d’exercer une pression à gauche pour entraîner le gouvernement à prendre des mesures de rupture anticapitaliste, dans le cadre de l’Etat bourgeois.

Quoi qu’en dise la gauche réformiste française, la responsabilité de l’accord que vient de souscrire Tsipras n’incombe pas à ceux qui n’ont pas assez soutenu le gouvernement grec dans les négociations. En revanche, la responsabilité des désillusions futures incombent à ceux qui renforcent, aujourd’hui, ces illusions réformistes, quel que soit l’argument avancé, y compris lorsque l’on parle de « nouveaux réformismes » (qui seraient "davantage perméables à la radicalité") lorsqu’il s’agit de Syriza, en Grèce, ou de Podemos, dans l’Etat espagnol.

N’en déplaise, ainsi, à Pierre Khalfa ou à François Sabado, ce n’est pas au sein de Syriza ou à ses marges immédiates qu’il sera possible de changer la donne. Seule la mobilisation de l’ensemble des travailleurs et de la jeunesse pourra inverser le rapport de forces. Ce sont eux qui ont besoin de notre soutien international. C’est à leur côté que nous devons et pouvons développer une grande campagne pour l’annulation de la dette grecque et l’arrêt immédiat des mesures d’austérité. C’est-là la meilleure des armes pour appuyer celles et ceux qui, en Grèce, appellent à manifester, dès mardi 24 février, contre la capitulation de Tsipras et du gouvernement Syriza-Anel.

23/02/15