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Kouvelakis: Le temps des grandes décisions

Grèce international Kouvelakis

Lien publiée le 2 juillet 2015

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

https://www.ensemble-fdg.org/content/le-temps-des-grandes-decisions

Nous publions un article de Stathis Kouvelakis, rédigé en direct d'Athènes dans la soirée du mercredi 1er juillet, qui dépeint l'atmosphère et les enjeux de la campagne du référendum.

Mon silence de ces derniers jours, inhabituel, comme certains l'ont décrit sur Facebook, est simplement dû au fait que, depuis mon arrivée à Athènes, dimanche, pour la campagne du Non, j'ai fort peu dormi et beaucoup travaillé. Aujourd'hui (mercredi 1er juillet), je suis intervenu dans deux rassemblements sur les lieux de travail (la gare centrale d'Athènes et le bâtiment central du métro). Une grande expérience. Mon emploi du temps de demain comprend des interventions dans divers rassemblements dans la zone industrielle de Moschato et un meeting à Petroupoli, dans la banlieue Ouest d'Athènes.

Les travailleurs ressentent la pression de la situation créée par l'hystérie des médias et la fermeture des banques. Ils sont relativement critiques au sujet des concessions faites par le gouvernement pendant ces épuisantes négociations, mais, en général, ils ont confiance dans la victoire du Non. Ils en attendent un nouveau départ pour le gouvernement de Syriza et la mise en œuvre d'une plus grande part de son programme.

Je voudrais inciter tous ceux qui suivent la situation en Grèce avec ce mélange typique d'anxiété et d'espoir à garder la tête aussi froide que possible. Les media grecs sont dans un état d'hystérie, et les media occidentaux pas si différents. Un de leurs thèmes favoris, au sommet de l'atmosphère apocalyptique qu'ils propagent, est que le référendum n'aura pas lieu, que le gouvernement a , en réalité, accepté le plan Juncker, qu'il va annuler le référendum, etc. Attention à toutes ces désinformations.

Il est vrai que certaines initiatives du gouvernement sont, pour le moins, ambiguës et discutables. C'est particulièrement vrai de la proposition d'hier (mardi 30 juin) pour un nouveau prêt du MES et de la lettre envoyée par Alexis Tsipras à l’Eurogroupe aujourd'hui. Leur but était de faire preuve de bonne volonté et de donner du crédit à l'idée que, la semaine prochaine, à la suite d'une potentielle victoire du Non, un nouveau cycle de « négociations » pourrait reprendre. Mais tout le monde ici sait que: a) ceci est très improbable et b) que dans tous les cas, aucune négociation n'est actuellement en cours. Merkel a clairement exprimé qu'aucun dialogue n'était possible avant dimanche.

Il y a donc une dimension de « posture » des deux côtés et de manœuvre tactique de la part de Syriza, mais il est également vrai que cela reflète les contradictions au sein du gouvernement et de Syriza. Son aile « réaliste (dirigée par le Vice Premier Ministre Yannis Dragasakis) essaye de mettre en avant l'idée que le référendum n'est qu'une désagréable ( et brève) parenthèse et que les négociations pourront redémarrer sur la base des très sérieuses concessions que le gouvernement avait accepté juste avant la rupture des discussions. En revanche, la position officielle est que les négociations devront reprendre « à partir de zéro », ce qui signifie que toutes les précédentes propositions grecques doivent maintenant être considérées comme obsolète.

Le discours de Tsipras, ce mercredi, a été bien reçu et largement perçu comme un défi, réussissant ainsi à dépasser l’impact démobilisant des dernières propositions. Mais, bien sûr, le meilleur allié du camp du Non reste l'attitude intransigeante et arrogante des créditeurs, ne laissant aucune place pour le « compromis » même le pire.

Si l'on en croit les sondages publiés aujourd'hui, le Non a une avance de onze à treize points, mais l'écart s'est significativement réduit depuis lundi, en raison d la fermeture des banques, de la restriction des retraits de liquide et les difficultés des retraités à toucher leurs pensions. Cela a inévitablement créé une atmosphère de crainte et d'insécurité, ce qui est exactement ce que les leaders de l’Eurogroupe avaient en tête quand ils ont décidé de couper tout approvisionnement en liquidités. C'est pourquoi il n'est pas surprenant que le Oui ne soit en tête que chez les retraités et les femmes au foyer. Partout ailleurs, y compris chez les petits patrons, le Non l'emporte.

Bien des choses dépendront de la capacité de mobilisation de chaque camp, en particulier du côté du Non. Le rassemblement de mardi (30 juin) des partisans du Oui était important et bien organisé, mais il ne rassemblait presque exclusivement que la moyenne et haute bourgeoisie, et c'était probablement le sommet de ce qu'ils pouvaient atteindre en termes de mobilisation. Si l'on tient compte du fait qu'il était largement improvisé, la manifestation de lundi, pour le Non, était un départ réussi. La campagne de terrain commence aujourd'hui et sera presque entièrement monopolisée par le camp du Non. L'état d'esprit en Grèce est celui d'une polarisation croissante, selon des lignes de classe dans les centres urbains, d'une manière plus diffuse dans les campagnes et les petites villes.

Les sections locales de Syriza sont galvanisées et les relations avec les camarades d'Antarsya sont excellentes. D'autres forces, du mouvement social et de différentes campagnes se joignent également à la mobilisation. Une campagne de type « front uni » est en train de prendre forme, ce qui est une excellente nouvelle. Mais le plus grand revers ici est l'attitude du Parti Communiste qui ne peut être qualifiée que de « trahison ». ( En général je n'aime pas ce terme, mais il me semble justifié dans ce cas). Ils fourniront leurs propres bulletins de vote, affirmant un « double non » (à la Troïka et au gouvernement, les « deux faces de la même pièce de monnaie »), un bulletin de vote qui sera bien sûr invalide. Il est probable qu'ils procéderont à leur propre décompte et annonceront le résultat comme une sorte de « victoire » de leur ligne.

Si le Non l'emporte, ce qui est probable mais pas certain, et s'il l'emporte avec une majorité claire, ce qui reste à voir, il est presque inévitable que la confrontation avec l'Union Européenne et la classe dominante locale ne se durcisse. La Grèce a déjà refusé de payer le FMI en juin et le défaut sera formellement proclamé dans trente jours. Les armes de la monnaie et des liquidités seront utilisées toujours plus lourdement par la BCE et le Fonds Européen de Soutien Financier exigeant le remboursement immédiat de leurs prêts. Le moment des « grandes décisions » arrivera inévitablement pour Syriza.

Une victoire du Non galvanisera les forces populaires. Mais cette issue ne doit en aucun cas être considérée comme acquise. C'est tout l'enjeu de l'exceptionnelle bataille en cours.

Stathis Kouvelakis. Article publié en anglais le 1er juillet sur le site de Jacobin. Traduction Mathieu Dargel