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    Article im-Monde sur l’Ukraine

    international Ukraine

    Lien publiée le 17 avril 2014

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    Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

    Un article plein de mépris pour les ukrainiens qui se lèvent contre le gouvernement, et qui se lamente de la fraternisation entre les soldats et la population... 

    (Le Monde) Le percuteur est une pièce mécanique décisive dans une arme à feu. Sans elle, le fusil automatique n'est plus qu'une décoration. Un peu comme l'arméeukrainienne. Cette conclusion tragique s'est imposée, à l'issue de la journée du mercredi 16 avril, où une colonne du 25e bataillon aéroporté de Dnipropetrovsk s'est retrouvée bloquée le long de la voie ferrée dans le village de Kramatorsk, à 100 kilomètres au nord de Donetsk.

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    Le soleil était splendide ; les arbres fruitiers ne pouvaient à eux seuls couvrir les émanations des vieux véhicules de combat BMD, de fabrication soviétique. Devant plusieurs centaines d'habitants, les soldats ont été contraints à d'interminables palabres. Ils ont fini par s'infliger une émasculation symbolique : ils ont remis, dans des sacs en plastique, les percuteurs de leurs fusils, afin de s'ouvrir un passage au milieu de la foule.

    Comment qualifier une armée qui se désarme ? Une armée qui n'assure pas la sécurité publique, et la sienne à grand-peine ? Qui est engagée officiellement dans un simulacre d'« opération antiterroriste », comptant sur ces mêmes « terroristes », les miliciens masqués de l'« autodéfense », pour être escortés ? Une armée en guenilles, qui ne nourrit pas les siens, coincée entre l'incompétence des décideurs politiques à Kiev et la pression d'habitants locaux persuadés, à tort, de courir un grave danger ? Ces questions flottaient au-dessus de la voie ferrée, le long de laquelle quatorze véhicules de transport de troupes se sont garés.

    Plus tôt dans la journée, les six BMD de tête avaient choisi de se désolidariser du reste de la colonne et d'être conduits vers Sloviansk, en trophées résignés. Leurs occupants ont été conviés à l'intérieur de la mairie pour se restaurer, pendant que les miliciens de la « République populaire de Donetsk » quadrillaient le secteur, armes au bras. Puis les soldats, interdits de contacts, ont été évacués par bus. Une ambiance de kermesse et de victoire régnait autour des véhicules saisis. Les habitants se prenaient en photo avec les miliciens anonymes, ou bien les ravitaillaient en victuailles et en eau.

    UN SHÉRIF DANS LA VILLE

    « Appelez-moi Balou », assène le plus ancien des combattants. Né à Louhansk, l'autre grande ville du Donbass après Donetsk, « Balou » ne vient pas du pays duLivre de la jungle, mais de Crimée, comme beaucoup de ses compagnons. Il prétend avoir répondu à l'appel à l'aide de la « République ». « Il n'y a pas d'armée en Ukraine, ils ne sont pas préparés, ils n'ont rien, parade-t-il. Tout le bataillon à Kramatorsk est passé de notre côté. » C'est faux, mais les habitants sont ravis : il y a un shérif en ville.

    Pendant ce temps, à Kramatorsk, les camarades des déserteurs cuisent au soleil, allongés sur leurs BMD. Un drapeau ukrainien flotte encore sur l'un des véhicules, trace dérisoire de souveraineté. Rouslan Parionov s'étire les jambes. Ce soldat de 35 ans, chauffeur de métier, plisse les yeux de stupéfaction, en constatant la nervosité des habitants. Rouslan pensait bien faire, ses camarades aussi. « Ça fait quatre jours qu'on dort dans les champs, on est crevés. Ce matin, les habitants criaient qu'on allait les massacrer ! On ne comprenait rien. Notre mission consiste à protéger cette région d'une invasion russe. »

    Le gouvernement prétend que le nettoyage des séparatistes a commencé ; en réalité, ils gagnent du terrain, occupant de nouveaux bâtiments, comme la mairie de Donetsk mercredi. A Marioupol, une base du ministère de l'intérieur a été attaquée dans la nuit. Les échanges de tirs auraient fait trois morts chez les assaillants, selon Kiev. La présence militaire a pour but de satisfaire l'ouest du pays et ne pas laisser le champ libre aux troupes russes. Mais celles-ci demeurent stationnées à la frontière ; de petits groupes infiltrés sont à la manoeuvre. Et la région glisse. Partition, fédéralisation : ce que Vladimir Poutine souhaitera, il l'aura. Il livrera des indices jeudi 17 avril, au cours de sa traditionnelle intervention télévisée où il répond aux questions de citoyens conquis.

    SAUVER SES HOMMES

    Mercredi 16 avril, lorsque le commandant de la colonne à Kramatorsk se présente à la foule, le malentendu se confirme. Le lieutenant Olexandre Chvets grimpe sur un véhicule pour se faire entendre« Les parachutistes n'ont jamais tiré sur le peuple, dit-il solennellement. Notre mission consistait à assurer la sécurité de l'aérodrome de Kramatovsk. » Le gradé ne reconnaît comme autorité que le chef d'état-major général. C'est bien, mais c'est faux. Il fait ce que la foule lui impose, dans ce cul-de-sac, pour sauver ses hommes. Surtout, ne pas tirer.

    Les habitants de Kramatorsk sont apeurés, désinformés par le choc des propagandes ukrainienne et russe. Ces hommes et ces femmes de tous âges, pauvrement habillés, vivent leur moment d'histoire. Ils tiennent tête à l'armée. Chacun se prend pour un stratège et un spécialiste militaire. C'est la prime au gueulard. Les soldats, eux, fument et s'arrosent d'eau, interdits devant cette colère.

    Le commandant Chvets parlemente avec un vétéran parachutiste de Kramatovsk, puis avec le représentant des anciens combattants d'Afghanistan, puis d'autres, qui se contredisent. On propose d'héberger les soldats dans un ancien camp de pionniers, de créer un « groupe d'initiative » ou de les conduire à Sloviansk.

    Il faut attendre l'arrivée d'une poignée de miliciens de « la République de Donetsk » pour que les négociations aboutissent. La nuit tombe. Les percuteurs sont confisqués. Certains en voudraient davantage, peut-être démonter les BMD jusqu'au dernier écrou. Mais l'humiliation est déjà totale. La colonne militaire repart. A bord, les soldats ont des airs de chien battu.